lundi 23 avril 2012

Eyes wide open.



 
Quand j’étais petite, que j’avais douze ans, je me demandais quelle tête j’aurai le jour où je passerai mon bas. Le jour où j’aurai 18 ans me tracassait aussi beaucoup, je me demandais. Serais-je foncièrement différente ? Comment aurais-je évolué ? Mes cheveux seront-ils longs ? Courts ? Serais-je toujours rousse ? J’avais des questions qui peuvent sembler superficielles, mais bon j’avais douze ans, et j’ai jamais dit que j’étais très fute-fute à cet âge.
Je ne me suis jamais posée la question de comment je serai la veille du jour des concours. Je suis rentrée en prépa en sachant la finalité. Après tout, je suis en classe préparatoire, je me prépare à des concours, je suis là pour ça. Et pourtant, j’ai toujours fermé les yeux sur cette échéance, la repoussant chaque fois un peu plus loin. Je me disais « Ce n’est vraiment pas pour tout de suite, gère les soucis du quotidien d’abord. » Mais voilà, aujourd’hui, j’ai 19 ans, je suis en prépa depuis un an, sept mois et très exactement dix-neuf jours et je vais passer des concours qui détermineront les cinq prochaines années de ma vie. Mais ça va, c’est étrange. Je n’ai même plus la boule au ventre. Ce soir, il n’y a rien d’autre que les oiseaux, la pluie et mon cocon chez mes parents. Ce soir, j’ai à nouveau douze ans quand je rêvais à quand je serai grande, que j’aurais 18 ans et un appart, que je serai libre, que j’aurais un petit copain, que je ne rentrerai pas tous les week-ends chez mes parents. On est effectivement assez loin de ce que je m’imaginais. Mais ça ne m’empêche pas de recommencer à envisager. À envisager le jour où j’entendrai les mots « Vous êtes élève ingénieur » résonner. Et que tout ce que j’attendais pour mes 18 ans finira par venir. Une vie, une jolie petite vie.
Après-demain, je serai seule. Je sais que j’ai beaucoup de gens derrière moi. Mais je serai toute seule face à la feuille de composition du concours Mines-Ponts. J’ai entendu beaucoup de choses, j’ai souhaité beaucoup de choses aux autres. Mais une des plus belles phrases que j’ai lues à propos de cela a été, et ce sans hésiter : « Je ne vous souhaite pas de la chance, mais de la réussite. » Quand on réussit, on n’a pas besoin de chance. On s’en sort, indemne, fort, et meilleur que les autres, car c’est cela qu’on vous demande. On atteint ses buts. Ceux qu’on avait quand on avait douze ans. Ceux qu’on a maintenant, le fameux élève ingénieur. J’aimerais juste ne pas avoir fait tout ça pour rien. Je serai seule et j’espère que je vais réussir.

Sinon, j’ai loupé à deux secondes et cinquante centimes une vente sur eBay de chaussures Maje que je poursuis depuis deux ans, donc je suis dégoûtée.
Je n’envisage pas que le fait d’être ingénieur mais aussi d’avoir ces jolies choses à mes pieds. On fait ce qu’on peut, hein.

Photo : Chicago, le Bean.